L’adolescente Juliane Koepcke n’a pas eu le temps de voir sa vie défiler devant ses yeux alors qu’elle plongeait à 3050 mètres d’altitude. En effet, elle était inconsciente, à la merci de la tempête qui l’avait mise dans cette situation. Lorsqu’elle est revenue à ses esprits, plus ou moins vivante, elle n’avait qu’un objectif en tête : retrouver sa mère et trouver de l’aide – ou mourir.
Le voyage de Juliane
En 1971, Maria Koepcke, citoyenne allemande et chercheuse réputée en matière d’oiseaux d’Amérique du Sud, planifie des vacances avec sa fille de 17 ans, Juliane. Partant du Pérou, leur itinéraire était simple – mais il s’est avéré mortel.

Maria (à gauche) avait prévu de retrouver son mari (à droite) pour Noël. Elle a donc réservé des billets avec la compagnie aérienne péruvienne Lineas Aéreas Nacionales S.A., ou LANSA. À l’époque, les avis Yelp et Google n’existaient pas encore, l’ornithologue ne connaissait donc pas la réputation de la compagnie aérienne.

Mauvais présage
Pendant les années 60 et 70, LANSA était le moyen le plus rapide de se rendre d’une ville péruvienne à une autre. Cependant, malgré la fréquence de ses vols, la compagnie aérienne était souvent victime d’accidents mortels.

En 1966, par exemple, le vol 501 de LANSA a percuté une montagne, tuant toutes les personnes à bord. Quelques années plus tard, le vol 502 de LANSA s’est écrasé. Sur les 100 passagers, un seul a survécu, et l’accident a également coûté la vie à deux autres personnes au sol.

Vol d’hiver
Pourtant, malgré son histoire, LANSA a toujours été la compagnie aérienne de référence. En décembre 1971, le vol 508 a décollé de la capitale du Pérou, Lima. Avec un équipage réduit et moins de 100 passagers – dont Maria et Juliane – le décollage se déroule comme prévu.

Mais tous les espoirs d’un voyage sans encombre ont été anéantis 40 minutes après le début du vol, lorsque le petit avion a traversé un violent orage. Soudain, une lumière vive éclaire l’avion : la foudre a frappé le réservoir de carburant !

Chute libre
L’aile droite de l’avion s’est détachée sous les cris des passagers. Les cadeaux de Noël et les bagages ont été projetés dans la tempête alors que le pilote perdait le contrôle de l’appareil. L’avion a piqué du nez. Juliane et Maria se sont serrées l’une contre l’autre.

Dans une interview accordée à BBC’s Outlook, Juliane se souvient très bien du crash. Sa mère a dit : “C’est la fin, c’est fini.” Puis, tragiquement, le siège de Juliane s’est arraché de l’avion. Elle a volé dans la tempête avant de plonger vers la terre. Tout est soudainement devenu noir.

Une chance rare
Lorsque Juliane se réveille, elle se trouve toujours attachée à son siège – mais elle est seule. Elle était vivante… mais elle ne savait pas comment. Il semblait que la jungle dense dans laquelle elle avait atteri avait amorti sa chute, suffisamment pour lui permettre de survivre. Elle avait cependant quelques blessures.

Sa clavicule est cassée, et ses jambes et ses bras lui font terriblement mal. Pire encore, ayant perdu ses lunettes dans l’accident, Juliane devait se diriger à travers la jungle avec une mauvaise vue. Son premier réflexe a été d’essayer de retrouver sa mère.

Une approche différente
Juliane a tenté d’appeler sa mre, mais les seuls sons qu’elle pouvait entendre étaient ceux de la jungle. Elle a dû réfléchir à un nouveau plan. Si elle pouvait trouver de l’aide, ils pourraient peut-être retrouver sa mère et les autres survivants.

Vêtue d’une courte robe sans manches et de sandales, Juliane ne laisse pas ses peurs prendre le dessus. Après tout, elle avait passé plus d’un an avec sa famille dans un centre de recherche en Amazonie. Elle n’était pas étrangère à la jungle péruvienne, alors elle a puisé dans ses connaissances.

Techniques de survie
Comme sa vue était limitée, Juliane utilisait sa sandale pour frapper le sol devant elle afin d’effrayer toute créature dangereuse. À moitié aveugle, elle est arrivée là où l’accident s’était déroulé, où elle a cherché de la nourriture et de l’eau. La seule chose qu’elle a pu trouver était quelques bonbons.

Alors, elle a continué à avancer. Après avoir trouvé un ruisseau, Juliane est restée dans l’eau et l’a suivie en aval, une approche plus sûre que de rester sur la terre ferme. Pendant la journée, le soleil la brûlait. La nuit, elle gelait. Mais elle avait une forte volonté de survivre.

Des vautours
Le quatrième jour, Juliane a reconnu les sons d’un vautour royal. Elle savait, grâce aux recherches de ses parents, que l’oiseau prédateur était à proximité d’une grande masse de chair morte. Juliane a été horrifiée quand elle a vu ce que les oiseaux avaient remarqué.

Les passagers étaient toujours attachés à leur siège, mais contrairement à Juliane, la chute les avait écrasés au sol, la tête la première. Juliane s’est approchée assez près pour voir que sa mère n’était pas parmi eux. Elle a continué sa route, ses blessures s’aggravant.

Espoirs et dangers
Les asticots étaient partout sur ses blessures, provoquant une infection, et, le 10ème jour, alors qu’elle errait dans une rivière, Juliane a remis en question sa santé mentale. Devant elle, elle a vu quelque chose qui n’avait aucun sens.

Il y avait un bateau à moteur au loin, amarré au bord de la rivière. Sûrement un mirage. Qui vivrait en plein milieu de la jungle péruvienne ? Mais en s’approchant du bateau, elle a réalisé qu’il était bel et bien réel. Allait-elle rencontrer le propriétaire du bateau ?

Un appel à l’aide
Désespérée et proche de la mort, Juliane a enquêté. Après avoir trouvé un petit chemin, elle a trouvé une cabane avec un bidon d’essence à proximité. Elle s’est souvenue que son père avait déjà utilisé de l’essence sur un animal blessé, ce qui lui a donné une idée.

La douleur était vive lorsque Juliane a fait couler de l’essence pour nettoyer ses blessures du mieux qu’elle pouvait. Épuisée, elle s’est évanouie là, dans la cabane, ignorant qu’elle s’était introduite dans une maison occupée.

Les bateliers
Le lendemain matin, les bateliers locaux la découvrent dans la hutte, ensanglantée, couverte d’asticots et sentant l’essence. Ils sont effrayés, croyant qu’elle est un esprit des eaux issu de leurs contes. Faible, Juliane a parlé aux bateliers dans le peu d’espagnol qu’elle connaissait.

Heureusement, ils ont compris. Les hommes ont fait de leur mieux pour soigner ses blessures et, après un voyage de sept heures en bateau, Juliane à été déposée dans un hôpital. Quand elle a enfin vu son père, ils se sont embrassés.

La culpabilité du survivant
Après qu’une équipe de secours a retrouvé le corps de Maria Koepcke, Juliane a appris que sa mère avait effectivement survécu à l’accident d’avion, mais seulement pendant quelques jours. Juliane est toujours hantée par ce qu’ont dû être les derniers jours de sa mère.

Juliane se remémore sa propre expérience. Aurait-elle pu faire quelque chose de différent pour sauver sa mère ? Ce n’est que lorsqu’elle a entendu l’histoire de Yosseph ou “Yossi” Ghinsberg qu’elle a compris la chance incroyable qu’elle avait.

Yossi
Yossi n’était pas un homme ordinaire. Né à Tel Aviv en 1959, il a voyagé dans le monde entier, optimiste et motivé, il ne savait pas encore qu’il serait confronté à une situation de vie ou de mort.

Assez jeune, il s’engage dans l’armée israélienne. En tant que recrue de la marine, il a non seulement pu voyager à l’extérieur du pays, mais il a également appris de nombreux conseils de survie, est devenu fort et a économisé beaucoup d’argent.

Papillon
Yossi s’est finalement inspiré du livre d’Henri Charrière, Papillon, qui raconte comment il a été condamné à tort pour meurtre en France, a été emprisonné en Guyane française et a fini par s’échapper au Venezuela.

Yossi a donc fait le voyage. Alors qu’il fait du stop du Venezuela à la Colombie pour explorer l’Amérique du Sud, Yossi rencontre un homme du nom de Marcus Stamm, un enseignant suisse. Les deux hommes ont voyagé ensemble, cette fois à La Paz, en Bolivie.

La Paz
Peu après leur arrivée à La Paz, les deux nouveaux amis sont partis en randonnée dans la forêt amazonienne. Alors qu’ils planifiaient leur voyage dans les moindres détails, ils sont tombés sur un autre explorateur : Kevin Gale, un photographe animalier américain qui voulait photographier l’Amazonie.

Avant de partir pour l’mazonie, un Autrichien nommé Karl Ruprechter a approché Yossi et ses amis à La Paz. Il a prétendu être un géologue parti à la recherche d’une carrière d’or et a impressionné le trio par sa connaissance du terrain. Ils n’ont pas hésité à le suivre dans cette vaste et dangereuse région.

Asariamas
Ils ont commencé leur voyage vers la carrière d’or dans le petit village d’Asariamas. Les habitants ont été gentils et accueillants, leur donnant des provisions mais aussi un avertissement : la jungle est très dangereuse.

Mais les hommes n’ont pas tenu compte des avertissements ; après tout, Karl était un expert, et ils étaient quatre hommes en bonne santé avec une forte envie de voyager. Le groupe s’enfonça dans la jungle, prêt à affronter n’importe quel obstacle… enfin, pas n’importe quel obstacle.

Ralentissement
Marcus Stramm, le professeur suisse, a commencé à développer le pied de tranchée, une maladie ulcéro-nécrotique qui s’est fait connaître quand elle s’est répandue dans les tranchées durant la Première Guerre mondiale. Au fil des jours, l’infection est devenue de plus en plus douloureuse. Il ralentissait le groupe – et ils commençaient à manquer de nourriture.

Karl avait un fusil pour chasser le gibier, mais la seule chose que le groupe pouvait trouver était des singes. Les manger était mal, mais les randonneurs étaient affamés. Finalement, ils ont grillé leur premier singe, mais Marcus, déjà affaibli, a refusé d’en manger.

Tuichi
L’état de Marcus s’étant aggravé, le groupe ne pouvait plus continuer à marcher vers la carrière d’or. Au lieu de cela, ils ont construit un radeau et ont essayé de flotter sur la rivière Tuichi. C’est alors que Karl a commencé à agir de façon étrange : apparemment, il ne savait pas nager. Que cachait-il d’autre ?

Effrayé par l’eau, Karl est reparti à pied vers le village le plus proche, emportant avec lui Marcus, affaibli. Yossi et Kevin pensaient pouvoir continuer à naviguer, mais ils ont vite rencontré un puissant courant. Kevin a nagé jusqu’au rivage, mais Yossi n’a pas eu autant de chance.

Seul et appeuré
Après avoir été emporté par une chute d’eau, Yossi s’est cogné la tête sur les rochers pointus présents tout le long du chemin. Pendant une demi-heure, il s’est battu pour maintenir sa tête blessée hors de l’eau, haletant à chaque fois qu’il respirait pour sauver sa vie.

Lorsque l’eau s’est enfin calmée, Yossi a nagé jusqu’au rivage. Mais dès qu’il a posé le pied sur la terre ferme, il a été envahi par un sentiment de peur. Il était seul au milieu de la forêt amazonienne. Comment pourrait-il survivre ?

Une créature dangereuse
Il était rassuré lorsqu’il a remarqué que son sac à dos reposait miraculeusement sur la rive du fleuve. En plus de quelques fournitures utiles, le sac contenait un livre spécial. Ce livre avait porté chance à l’oncle de Yossi pendant l’Holocauste, et maintenant il devrait aider Yossi à rester en vie.

Le premier danger que rencontre Yossi est un sanglier sauvage. Les sangliers ont tendance à être extrêmement agressifs et peuvent déchirer la peau avec leurs défenses. Yossi s’est mit à courir pour semer le sanglier.

Un avion dans le ciel
Après moins d’une semaine de solitude, Yossi a remarqué quelque chose dans le ciel. En se rapprochant, il a réalisé que c’était un avion, du même type qu’il avait pris pour se rendre à La Paz. Désespéré, il a crié en agitant ses bras, mais il est passé inaperçu.

Quelques nuits plus tard, Yossi s’est réveillé avec une douleur atroce. Il avait des démangeaisons et des douleurs sur tout le corps et ne pouvait pas comprendre pourquoi. Ce n’est qu’au lever du soleil qu’il s’est aperçu qu’il avait dormi sur un nid de termites !

Aucune énergie
Après la première semaine, Yossi n’avait plus de nourriture ni d’énergie. Il était affamé. Il a cherché des fruits et des œufs d’oiseaux et a même mangé des singes morts quand il les a trouvés. Malgré ses efforts pour se nourrir, Yossi a rapidement perdu du poids.

Pour ne rien arranger, il était déshydraté, manquait de sommeil, avait été blessé par la chute d’eau et était couvert de piqûres de termites. Il avait vraiment besoin d’une pause, mais la jungle n’était malheureusement pas prête de le laisser tranquille.

Un grognement
Une fois qu’il s’est finalement endormi, il a été brusquement réveillé par le son d’un grognement. Dès que ses yeux se sont adaptés à l’obscurité, il a réalisé qu’il regardait droit dans les yeux d’un jaguar adulte, prêt à lui bondir dessus.

Son cœur battant de plus en plus vite, ses instincts ont pris le dessus. Il a attrapé son briquet et son anti-moustique aussi vite qu’il le pouvait, créant un lance-flammes pour effrayer le jaguar. Heureusement, cela a fonctionné, mais il était impossible pour lui de se rendormir.

La saison des pluies
La faune de la jungle était une menace évidente, mais la flore et le climat étaient tout aussi dangereux. Lorsque le quatuor avait commencé sa randonnée, la saison des pluies n’était pas encore arrivée, mais maintenant ? Il pleuvait toute la journée, créant des inondations, et menaçant de noyer Yossi.

Comme Yossi était trop occupé à essayer de se frayer un chemin dans l’eau jusqu’aux genoux, il ne pouvait plus regarder où il mettait les pieds. Il ne se rendait pas compte qu’il s’enfonçait dans les sables mouvants. Il a heureusement réussi par s’en sortir grâce à son calme légendaire.

Il n’était pas seul
Ses chaussettes et ses chaussures étaient mouillées et sales depuis trop longtemps, et il a commencé à développer une infection du pied. Pour se distraire de la douleur et continuer à marcher, il a fait une chose étonnante…

Yossi s’est roulé sur un nid de fourmis de feu, les laissant le piquer partout. L’adrénaline a traversé son corps, et il a trouvé la force de continuer. Soudain, il a remarqué une femme à côté de lui. Il ne pouvait pas en croire ses yeux. Ils ont passé les jours suivants en compagnie l’un de l’autre, sa présence renforçant sa volonté de vivre. Mais qui était-elle ?

Une simple hallucination
Quelques jours plus tard, il se réveille sans douleur, mais aussi sans la mystérieuse femme. Cela semblait trop beau pour être vrai. Elle était une hallucination. En réalisant cela, Yossi est tombé à genoux, en pleurant, et a commencé à prier pour que sa misère cesse.

Soudain, il a entendu le bruit vague d’un moteur venant de la rivière. Il s’est dit que c’était un autre avion qui ne le remarquerait pas, mais il a tout de même suivi le bruit. Une fois qu’il a atteint l’eau, il a remarqué un bateau au loin.

Il a évité la mort de justesse
Le bateau était non seulement réel, mais il était également piloté par Tico Tudela, un pêcheur bolivien, ainsi que Kevin Gale. Kevin avait atteint la civilisation en 3 jours et suppliait les habitants de l’aider à rechercher son ami. Yossi est ravi de voir Kevin mais se demande ce qui est arrivé à Karl et Marcus.

Yossi a perdu plus de 10 kilos pendant les 3 semaines où il a frôlé la mort. Pendant ce temps, Karl et Marcus étaient toujours introuvables. Yossi a appris plus tard que Karl était un criminel recherché, qui avait déjà emmené des étrangers dans la jungle.

Retourner en Bolivie
Pendant les trois mois d’hospitalisation qui ont suivi, Yossi a repassé en boucle dans sa tête la beauté et les dangers de la jungle. Tous ceux qui ont entendu son histoire l’ont pris pour un fou, mais il s’est senti si reconnaissant envers la population locale qu’il a voulu y retourner.

Lorsque Yossi est retourné en Bolivie, la population locale était ravie de le revoir. Il s’y est installé pour quelque temps et a participé à la construction d’un écolodge dont les indigènes pourraient profiter. Il a également travaillé à la protection des propriétés intellectuelles des habitants de cette région.

Plusieurs livres et un film
Yossi a également publié plusieurs livres, dont sa propre autobiographie intitulée Back From Tuichi : the Harrowing Story of Survival In The Amazon Rainforest, et a parcouru le monde pour donner des discours inspirés. Son idole, Henri Charrière, serait fier de lui.

En 2017, les livres de Yossi ont été adaptés au cinéma dans un film intitulé Jungle, dont le personnage est incarné par nul autre que Daniel Radcliffe. Bien sûr, jouer le rôle était beaucoup plus sûr que de le vivre. Le film, ironiquement, était disponible en streaming sur Amazon.

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Kevin et Yossi sont restés amis. Après être apparu dans la série documentaire I Shouldn’t Be Alive, Kevin a également participé à la production de Jungle. Bien qu’il ait poursuivi sa passion pour la photographie, il n’était pas aussi impatient que Yossi de retourner dans la forêt tropicale.

Les deux survivants n’oublieront jamais leur voyage fatidique en Amazonie. Ils ne comprenaient pas pourquoi Karl les avait emmenés dans la forêt, et ils pleuraient profondément la perte de leur ami Marcus. Mais leur aventure a changé toute leur vie : aucun des deux n’aurait changé sa décision de faire cette randonnée, même s’il le pouvait.